BIOGRAPHIES
Jacqueline CHARTOL, fauchée dans la fleur de l'âge...
Jacqueline CHARTOL
- Date de naissance : 6 juin 1936
- Lieu de naissance : Pointe-à-Pitre
- Mère : Gisèle CORNEILLE
- Père : Maurice CHARTOL
- Soeur :
- Monique CHARTOL (°02 1938)
Gisèle CORNEILLE, mère de Jacqueline et Monique CHARTOL, est devenue aveugle en 1934, peu après son mariage avec Maurice CHARTOL. Elle n’a jamais vu ses deux filles…
Jacqueline a deux ans lorsque son père meurt de la thyphoïde en juin 1938. Sa grand-mère Gabrielle CORNEILLE, et Ninon, la jeune soeur de sa mère (8ans), prennent en charge la famille durement éprouvée.
La guerre survient un an plus tard. La Guadeloupe est loin des champs de bataille, mais c’est une période difficile pour la Guadeloupe qui importait d’Europe la plupart des produits manufacturés, de l’alimentation, des textiles… Les navires français ne peuvent plus traverser l’Atlantique. Les USA et le Canada viennent en aide aux îles françaises.
Gabrielle et Ninon font le mieux possible pour assurer l’essentiel. Grâce à la bonne machine SINGER, elles confectionnent les vêtements de la famille. Elles ont un poulailler et un clapier. La belle-fille de Gabrielle, Mireille, et son frère possèdent une boulangerie. Ils approvisionnent la famille en pain et farine. Bien blanchi, le tissu des sacs de farine sert à fabriquer des vêtements, des sous-vêtements, des torchons… Les Guadeloupéens sont invités par le célèbre gouverneur Sorin à cultiver leurs champs et leurs vergers, à élever des animaux, à pêcher dans les eaux poissonneuses, à réaliser sur place beaucoup de choses achetées en France avant la guerre…
Jacqueline et Monique vont à l’école chez les soeurs de l’Externat Saint-Joseph de Cluny. Jusqu’à la 3è pour Jacqueline, et jusqu’à la 4è pour Monique. Jacqueline est douée pour les travaux de couture et de broderie et aussi pour la musique. Elle veut devenir professeur de piano. La scolarité des petites filles se poursuit tout aussi bien au lycée Michelet.
Elles ont 11 et 9 ans lorsque leur mère décède la veille de Noël, le 23 décembre 1947 à l’âge de 40 ans. Leur grand-mère, Gabrielle, meurt deux ans plus tard, le 23 juin 1949. Heureusement, leur tante Ninon est là pour les soutenir…
C’est le 21 juillet 1952, fête Schoelcher, qu’alors que les jeunes filles vont à la plage avec des amis que survient le drame. Dans un virage, la camionnette qui les transporte est percutée par un camion. Les passagers sont choqués et contusionnés mais vivants. Jacqueline qui était assise du mauvais côté décèdera quelques heures plus tard, victime d’une hémorragie interne. Elle venait d’avoir 16 ans.
CHARLES, LE FIDÈLE SÉDUCTEUR
Charles, Amédée, Fiacre DEMONIO
- Date de naissance : 30 août 1914
- Lieu de naissance : Pointe-à-Pitre
- Date du décès : 19 avril 1972
- Lieu du décès : Saint-Claude (Guadeloupe)
- Mère : Fernande, Jérôme BOUDAR (1892 - 1928)
- Père : Wilfrid, Charles, François, Faustin DEMONIO (1878 - 1948)
- Frères :
- François, Henri, Antoine, Charles, Lucien DEMONIO (1911 - 1958)
- Henri DEMONIO (1912 - 1936)
- Etienne, Lucien, Pierre, Faustin (1914 - 1990)
- Maurice, Anne-Marie, Benjamin (1926 - 1986)
- Soeur :
- Lucette, Laurence, Gisèle (1916 - 2007)
- Marie-Thérèse, Louise, Athanase (1921 - 2017)
- Romaine, Fernande, Celutta, Gilles (1923 - 2007)
- Unions :
- Sarah VALTON
- Pauline DEMANT
- Mariages :
- Mercédès BAMBOU (x 1938 - 1949)
- Paulette NESMON (x 17.12.1949)
- Héléna GEREMY (x 1967)
- Enfants :
- Lucien VALTON (1932 - 1984)
- Maurice DEMONIO (° 10.03.1936)
- Micheline DEMONIO (1938 - 2011)
- Wilfrid, Charles, Paul DEMONIO (° 17.10.1950)
- Marie-Hélène, Laure DEMONIO (° 18.10.1951)
- Jacqueline, Odile, Christine, Annie (1953 - )
- Odile, Paulette, Anne-Marie, Lucette (° 28.04.1956)
- Fanny, Eve, Françoise, Cécile (1958 - 1986)
- François-Xavier, Jean-Sébastien (° 14.06.1961)
Charles, le fidèle séducteur
Fernande
Fernande BOUDAR n’a pas encore 22 ans lorsqu’elle donne naissance, le dimanche 30 août 1914, à son premier enfant : Charles. La guerre vient d’éclater en Europe. Ce fils est le fruit de la relation qu’elle entretient depuis un peu plus d’un an avec Wilfrid DEMONIO, un homme de 14 ans son aîné, par qui elle s’est laissée séduire malgré son union déjà bien établie avec une autre femme, Gabrielle CORNEILLE dont il a déjà deux enfants.
Charles vient d’ailleurs au monde quatre mois seulement après Etienne DEMONIO, troisième fils de Gabrielle dont Wilfrid est le père. Selon une légende familiale, c’est sur les bancs de l’école qu’Etienne et Charles découvriront quelques années plus tard, qu’ils ont le même papa…
Pourtant, en dépit des récriminations de ses deux maîtresses, Wilfrid s’accommode fort bien de cette situation et ne semble pas prêt à mettre fin à sa double vie. Deux ans après la naissance de Charles, le 21 mai 1916, Fernande met au monde son deuxième enfant : Lucette.
Les deux enfants vivent seuls avec leur mère, recevant la visite régulière de leur père qui, comme il le fait pour ceux de sa première compagne, assume les charges liées à leur éducation.
Charles est un petit garçon sage et facile. Il a 5 ans, le 17 juin 1919 lorsque son père qui jusqu’ici se partageait entre deux foyers, décide d’épouser sa mère. Gabrielle, en effet, a fini par rompre avec Wilfrid. Néanmoins, les deux enfants continuent de fréquenter régulièrement leurs grands frères François, Henri, et Etienne. Leur père tient à ce que tous ses enfants partagent le même esprit de famille…
En prévision du troisième enfant de Fernande, la famille s’installe dans une grande maison à étage et galetas à l’angle de la rue Victor Hugo et de la rue Condé à Pointe-à-Pitre. Et bientôt la famille s’agrandit : en mai 1921, Fernande donne à Charles une deuxième petite soeur, Marie-Thérèse, et en 1923 à une troisième : Romaine. Le petit frère Maurice arrive en juillet 1926…
A l’école, Charles est un enfant intéressé et studieux. A l’instar de son père c’est un bon élève qui, de toute évidence, préfère les mots aux chiffres et se montre plus naturellement porté vers les matières littéraires. Il s’intéresse en particulier à l’histoire et à la littérature et il aime le latin. A 12 ans, il empoche haut la main son certificat d’études et entre au lycée.
Ses parents, amateurs de bonne musique, lui font apprendre le piano. Fin et de constitution plutôt délicate, voire fragile, il aime néanmoins le sport. Celui qu’il pratique, c’est le football auquel il consacre une partie de ses heures de loisirs avec les copains de son quartier et de l’école. Car Charles est un bon camarade qui se lie facilement d’amitié.
Sarah
En 1928, un événement tragique va venir bouleverser sa vie et celle de sa famille : la mort brutale de sa mère qui survient alors que tous se trouvent en congé administratif en France. Fernande, enceinte de son sixième enfant, manifeste une grande fatigue dès le début du voyage. Quelques semaines après, elle entre à l’hôpital où elle meurt le 17 octobre 1928, à l’âge de 36 ans. Charles n’a que 14 ans, son petit frère Maurice en a 2… Wilfrid est en état de choc, les enfants dans l’incompréhension totale. Désemparée, la famille reprend la direction de la Guadeloupe, le corps de Fernande placé au fond de la cale du bateau. Elle sera inhumée au cimetière de Pointe-à-Pitre aussitôt débarquée…
Seul pour élever ses cinq jeunes enfants, Wilfrid fait appel à ses soeurs, Laurence et Louise, qui viennent s’installer dans la maison familiale pour le seconder. Et la vie reprend son cours tant bien que mal, tous gardant une trace plus ou moins indélébile du drame qui les a frappés.
Charles est alors en pleine adolescence. Sa manière à lui de surmonter l’épreuve qu’il vient de subir est de multiplier les sorties, les fréquentations, les amis. Malgré les réprimandes de son père et de ses tantes, il mène une vie un peu fantaisiste et indépendante. Il passe son temps dehors, rentre tard…
Plutôt beau garçon, il ne se prive d’ailleurs pas de jouer de son charme auprès des filles… avec des conséquences pas toujours respectables. Un jour, alors qu’il n’a que 17 ans, une jeune fille du même âge que lui se présente au domicile familial. C’est une jeune servante nommée Sarah, employée chez des amis des DEMONIO. Elle vient informer les parents de Charles qu’elle est enceinte et prétend que c’est lui le géniteur du futur bébé… Wilfrid, persuadé que son adolescent de fils n’a pas pu se livrer à pareil dévergondage, ne croit pas un mot de son récit. Charles de son côté, aussi lâche qu’inconscient, nie catégoriquement avoir profité de la jeune fille. Les mois passent et bientôt la jeune enfant ne peut plus dissimuler sa grossesse. Ses patrons la renvoient donc chez ses parents à Capesterre où elle accouche, au mois de décembre 1932, d’un petit garçon qu’elle baptise Lucien. Plus tard, beaucoup plus tard, les enfants de Charles découvriront l’existence de ce garçon dont la ressemblance avec leur père saute aux yeux… Le fin mot de cette singulière histoire leur sera donné par Sarah elle-même, alors sur ses vieux jours, et soixante-dix ans après les faits, grâce au hasard, les fils rompus de cette fraternité si longtemps occultée en raison de ce qu’il faut bien appeler un déni, voire un mépris de classe, seront ainsi renoués.
Malgré tout, alors que son père s’est remarié, Charles, en 1934, décroche son bachot de philosophie avec mention. Comme tous les jeunes Guadeloupéens de l’époque qui souhaitent poursuivre des études, il envisage de quitter la Guadeloupe. Il passe la deuxième partie de son bac et s’embarque pour la France.
Avant de partir cependant, il a pris le temps d’avoir une aventure avec une jeune fille du nom de Pauline DEMANT qui travaille chez ses parents. Il apprendra quelques mois plus tard que Pauline a donné naissance à un fils baptisé Maurice, qui vient au monde le 10 mars 1936. Il attendra 27 années avant de reconnaître cet enfant…
Mercédès
Installé à Paris, Charles s’inscrit d’abord à la Sorbonne pour y suivre des cours d’histoire. Il loge dans un petit hôtel du quartier latin que fréquentent beaucoup de ses compatriotes et vit l’existence formidable des étudiants parisiens : musées, cinémas, cafés, et le fameux bal nègre de la rue Blomet, rendez-vous incontournable des Antillais de Paris. Puis il quitte la capitale afin de poursuivre ses études à Dijon.
C’est à cette époque que parmi ses nombreuses fréquentations, il rencontre une jeune femme de nom de Mercedès. Mercedès BAMBOU, une jeune guadeloupéenne originaire de Pointe-Noire, dont il s’éprend et avec qui il décide de se marier dès qu’il apprend qu’elle attend un enfant. Le mariage a lieu le 29 janvier 1938 à la mairie du 5è arrondissement à Paris. Sept mois plus tard, le 26 juillet, la petite Micheline vient au monde dans le 18è arrondissement.
Mais la vie est assez difficile pour la petite famille. Ils sont mal logés et quasiment sans ressources. Mercedès est sans travail et Charles n’est pas dans les meilleures conditions pour préparer ses examens. Aussi, Mercedès choisit de rentrer à la Guadeloupe avec son enfant. Son mari la rejoindra dans quelques mois…
Alors que Charles finit ses études, Wilfrid vient passer des vacances en France avec ses enfants et sa soeur Louise. Nous sommes en 1939 et depuis un an, le climat politique se détériore de façon inquiétante en Europe. C’est sur le bateau qui les ramène tous à Pointe-à-Pitre qu’ils apprendront l’entrée en guerre de la France et de l’Angleterre contre l’Allemagne, le 3 septembre 1939.
En Guadeloupe, une mauvaise surprise attend Charles. De bonnes âmes bien intentionnées lui apprennent que sa femme l’a trahi avec un de ses meilleurs amis. C’est la douche froide. Quelques semaines seulement après les retrouvailles, le couple se sépare. Heureusement, la petite Micheline est encore trop petite pour prendre réellement conscience de ce qui se passe. C’est plus tard, lorsque son père reprendra seul la direction de la France, qu’elle commencera à souffrir de cette situation.
Charles est revenu à la Guadeloupe sans travail. Sans ressources, il se débrouille en donnant des cours. Comme il le faisait déjà 10 ans auparavant, il propose ses services de pianiste ici ou là… Il renoue aussi avec ses anciennes connaissances dan le milieu sportif. C’est ainsi qu’il se retrouve sur les terrains de foot pour arbitrer des matches du championnat, jusqu’à se retrouver arbitre officiel de division d’Honneur, après avoir subi l’instruction théorique et pratique nécessaire à l’obtention du diplôme d’arbitrage délivré par le Comité d’Education Physique de la Guadeloupe. Il profite aussi de son temps libre pour préparer les certificats d’aptitude à l’enseignement.
A la rentrée scolaire de 1941, il entre au lycée Carnot comme professeur d’Histoire et de Français. Il y restera 6 ans. Six années de restrictions et de privations en raison de la guerre pendant lesquelles il tâche de profiter le mieux possible de la vie guadeloupéenne auprès de sa famille.
Marie-Hélène et Jacqueline
La guerre terminée, Charles choisit de repartir en France pour y reprendre des études et obtenir les certificats qui lui manquent. Il débarque au Havre en octobre 1947 et se rend chez sa marraine Gustavie. C’est là qu’un autre événement très important survient dans sa vie : sa rencontre avec sa future seconde épouse : Paulette NESMON, une très jolie jeune femme d’origine martiniquaise de 27 ans dont il tombe amoureux dès le premier regard.
Depuis Paris, il écrit à son père à propos de son divorce avec sa première femme Mercedès, entamé depuis plusieurs années déjà : “Je vais devoir faire citer Mme Démonio devant le tribunal de la Seine et procéder à une espèce d’enquête. Les conclusions devant ensuite être envoyées à Pointe-à-Pitre où l’affaire devrait se poursuivre et se terminer. (…) Dans une prochaine lettre, je te ferai part de mes projets futurs.”
Mais il n’aura pas le temps de lui en parler : déjà affaibli par la maladie, Wilfrid meurt quatre mois plus tard, le 24 novembre 1948, victime d’une occlusion intestinale. Charles ne peut pas être à ses côtés.
Neuf ans après leur mariage, le divorce entre Charles et Mercedès est enfin prononcé le 16 juillet 1949 et transcrit le 8 décembre de la même année. Huit jours plus tard, le 16 décembre 1949, Charles épouse Paulette à la mairie du 8è arrondissement de Paris. A 35 ans, Charles semble donc avoir trouvé l’âme soeur. Les premiers mois de sa nouvelle vie conjugale sont idylliques et le premier bébé est vite annoncé. Il vient au monde dans une clinique du boulevard Bineau à Neuilly-sur-Seine le 17 octobre 1950, date anniversaire de la mort de la mère de Charles. Ses parents lui donnent le nom de son grand-père : Wilfrid.
A peine Paulette est-elle sortie de couches qu’elle est de nouveau enceinte. Et un an tout juste après la naissance de son premier enfant, c’est une fille (Marie-Hélène) qui vient au monde le 18 octobre 1951. La famille réside alors dans un petit deux pièces, assez inconfortable et mal chauffé situé dans le 18e arrondissement et Charles enseigne dans un établissement en proche banlieue parisienne.
Mais Paulette supporte mal l’inactivité. Et afin d’arrondir aussi ses fins de mois, elle passe un accord avec un éditeur de journaux. Tous les matins dès 6 heures, les paquets des journaux Franc-Tireur et Le Parisien lui sont livrés qu’elle doit plier avant de les mettre en vente dans un petit kiosque. Son mari, avant de partir travailler, lui apporte son aide car c’est un travail assez pénible, surtout lorsque l’on est exposés au froid, au vent ou à la pluie.
Il n’en faut pas plus pour que Charles, de constitution fragile, tombe malade. On diagnostique d’abord une bronchite qui s’avère vite beaucoup plus grave. Et comme des milliers de gens en France et en Europe à l’époque, les médecins l’informent qu’il est atteint de … tuberculose! Il va traîner cette maladie pulmonaire durant près de 10 ans, passant de traitements en traitements, de sanatoriums en centre de post-cure…
Durant une année, du 17 novembre 1951 au 29 octobre 1952, il est d’abord hospitalisé à l’hôpital Laënnec à Paris. Il est ensuite envoyé au sanatorium Alfred Leune dans la Creuse, puis au centre de post-cure de la Mutuelle Générale de l’Education Nationale à Maisons-Laffitte jusqu’en octobre 1954. En sa qualité d’ancien malade, il obtient un emploi réservé comme enseignant et il est nommé un an plus tard au sanatorium Les Lycéens à Neufmoutiers en Brie, non loin de Melun. Ente temps, le 1e octobre 1953, est née Jacqueline, sa deuxième fille.
Odile et Fanny
Situé en Seine-et-Marne, à environ 60 km der Paris, le sana de Neufmoutiers se trouve dans l’immense parc d’un château du XVIIè siècle. La famille DEMONIO est logée dans les anciennes dépendances du château qui ont été transformées en logements de fonction pour certains personnels du sana. Ce lieu est un véritable paradis pour les enfants qui disposent là une extraordinaire aire de jeu ou courir et s’amuser.
Déjà enceinte lorsqu’elle arrive dans sa nouvelle demeure en septembre 1955, Paulette accouche quelques mois après son arrivée, en avril 1956, d’une nouvelle petite fille : Odile. Deux ans après, elle donne naissance à son cinquième enfant : Fanny, sa quatrième fille.
Ces grossesses successives ne l’empêchent pas de faire face quasiment seule aux contraintes de son ménage : courses, enfants, entretien de la maison, etc. La famille n’a pas les moyens de s’offrir une femme de ménage ou une servante, et Paulette, en raison de l’état de santé de son mari déjà peu enclin à assumer les tâches ménagères, répugne à solliciter son aide. Charles ne fait donc rien pour seconder sa femme : il ne bricole pas, ne jardine pas, ne cuisine pas… Et lorsque Paulette décide qu’il faut acheter une voiture, c’est encore elle -titulaire du permis de conduire depuis l’âge de 22 ans- qui doit prendre le volant pour véhiculer toute la famille quand il faut se déplacer alors que lui ne sait pas conduire.
Pour Charles, l’été 1958 est plutôt tragique. Son frère aîné François qui vit en Afrique, est rentré à Paris pour suivi médical. Avec ses soeurs Marie-Thérèse et Lucette et son frère Maurice qui vivent à Paris, il est inquiet, et il y a de quoi : François souffre d’un cancer de la gorge. Il est bientôt hospitalisé et les choses ne traînent pas. Le 11 juillet il meurt dans son lit d’hôpital laissant une épouse, Reine, et ses deux enfants Louise et Henri, âgés de 7 et 4 ans. Le coup est rude pour la famille.
Au début de l’année 1959, Charles doit subir une petite intervention chirurgicale pour une affection d’un testicule. Mais surtout, une radio révèle une reprise possible du processus de la maladie des bronches. Une nouvelle fois, il est envoyé en cure dans la Creuse pendant 5 mois.
Rosalie
C’est alors que Paulette profite de son absence pour chercher le moyen de se rapprocher de Paris. Très tôt séduite par la vie parisienne qu’elle a connu durant quelques années, elle supporte difficilement de se trouver loin de la capitale. Charles au contraire, se verrait bien rester dans cette lointaine banlieue tranquille de Seine-et-Marne jusqu’à sa retraite. A son retour pourtant, elle lui apprend qu’elle a trouvé une solution à ses yeux idéale et en septembre 1959, après 4 ans à Neufmoutiers, la famille déménage et s’installe dans un 5 pièces d’une cité HLM de l’Est parisien, au 9 rue Léo Lagrange à Noisy-le-Sec, à 30 minutes de la porte des Lilas.
Charles obtient un poste de professeur au Centre National d’Enseignement par Correspondance. Il reste donc chez lui pour travailler : préparer des cours que l’établissement se charge de faire parvenir aux élèves et corriger les devoirs qui lui sont envoyés.
Son sixième enfant, Francois-Xavier, prend naissance le 14 juin 1961, dans la même clinique que tous ses frères et soeurs, à Neuilly-sur-Seine. Charles, fervent amateur de la musique de Bach obtient de sa femme de donner comme second prénom à son fils le prénom du grand compositeur : Jean-Sébastien…
C’est cette année-là que Charles et sa femme décident de rentrer en congé aux Antilles. En tant qu’originaires d’Outre-mer, ils ont droit tous les cinq ans à un congé bonifié de 6 mois avec tous leurs enfants aux frais de l’administration. Les enfants qui se représentent la Guadeloupe et la Martinique comme des pays imaginaires, sont dans une excitation folle. La famille se prépare donc pour cette grande expédition qui va durer 6 mois. Début août, tout le monde prend le train pour le Havre où on embarque sur le paquebot Antilles pour un superbe voyage de 12 jours. Après plusieurs escales en Angleterre, en Espagne, à San Juan de Porto-Rico, et à Pointe-à-Pitre, Paulette et sa famille attendues avec ferveur débarquent à Fort-de-France. En septembre, ils viendront passer un mois en Guadeloupe avant de retourner finir leur séjour à la Martinique jusqu’au mois de janvier 1962. Avec eux voyage Rosalie, une jeune femme qu’on leur a recommandée pour sa gentillesse et son sérieux qu’ils ont décidé d’emmener en France pour aider Paulette à s’occuper de la maison et des enfants.
De retour en France, la vie reprend son cours. Rosalie seconde comme elle peut Paulette dans les tâches ménagères et surveille les enfants qui grandissent. Charles sans jamais rien leur imposer use de son pouvoir de persuasion pour leur enseigner une certain art de vivre, et leur transmettre l’amour du bon vin, du cinéma, des arts, et de la musique en particulier, que ce soit de la musique classique, ou du jazz.
Dans le même temps, sans que les enfants sen aperçoivent, la famille a de plus en plus de mal à joindre les deux bouts. Rosalie, qui était une bouche de plus à nourrir et une personne de plus à loger et habiller quitte la maison. Pour tenter d’améliorer l’ordinaire, Paulette essaie de retrouver du travail : elle se fait embaucher durant quelques mois au magasin du Bon Marché à Paris. Quelques temps plus tard, elle remplit des enveloppes pour une entreprise d’adressage. Un autre jour, elle se lance dans la vente à domicile comme démonstratrice des boîtes Tupperware… Mais ne parvenant pas à concilier vie familiale et vie professionnelle, Paulette finit pas renoncer. Car sans pour autant offrir à son épouse une solution pour la soulager, Charles persiste à ne pas contribuer aux tâches domestiques. Et au fil des mois et des années, Paulette qui a fait ce qu’il fallait pour ne plus avoir d’enfants, donne d’évidents signes de fatigue, voire d’épuisement.
Paulette
Six années difficiles vont s’écouler ainsi avant qu’un incroyable drame, un impensable cataclysme ne vienne dévaster la famille. Nous sommes en janvier 1967. Charles et sa femme pensent à retourner passer quelques mois dans leurs familles au pays. La demande de congé administratif est déposée et acceptée. Chacun se prépare à repartir pour la même belle aventure que celle vécue six ans auparavant.
Cette fois-ci, tout le monde participe à la préparation du voyage. Les plus grands mettent la main à la pâte. Charles aide un peu en donnant quelques directives. C’est le branle-bas de combat dans la maison. Mais le couple est à court d’argent. Or, même si le voyage est entièrement pris en charge, ils savent qu’ils vont avoir besoin de quelques liquidités. Alors, ils empruntent. Des amis bienveillants leur avancent quelques milliers de francs qu’ils promettent de rembourser bien vite… Et le lundi 31 juillet, la famille prend le train pour le Havre où ils passeront la nuit avant d’embarquer le lendemain sur le paquebot Antilles.
Le petit hôtel où Charles a loué deux chambres n’est pas très confortable. Lavabo dans les chambres, toilettes sur le palier. Mais tout le monde est fatigué et pour une nuit, on s’en contentera… Au matin les plus grands des enfants, impatients, se lèvent les premiers. Leur maman réveille les plus jeunes et donne ses recommandations pour que l’on ne prenne pas de retard. Les filles commencent à se chamailler, se courent après dans le couloir entre les deux chambres. A plusieurs reprises, il faut leur dire de s’habiller, car il n’y a pas de temps à perdre. Dans l’euphorie du prochain départ, l’ambiance est un peu électrique. Paulette, elle, ne laisse rien entrevoir, mais elle est à bout. Dans sa tête, elle n’a qu’une hâte : être à bord du bateau pour se reposer enfin. Douze jours, de répit sans cuisine, sans vaisselle, sans ménage… Douze vrais jours de treve dans son calvaire quotidien… Cette pensée l’obsède depuis déjà plusieurs jours. C’est elle qui la tient debout.
Tout est allé très vite. Charles était en train de se raser devant la glace au dessus du lavabo. Sa femme, assise en chemise de nuit sur le grand lit derrière lui, coiffait une des filles entre ses jambes. Soudain, sans un mot, sans un cri, elle bascula en arrière. Sans connaissance. Durant quelques secondes, son corps fut secoué de spasmes. Un filet de salive coula au coin de sa bouche. En moins d’une minute, elle fut totalement inanimée sur le bord du lit.
Tout le monde fut pris de court. Il y eut comme un flottement. Personne ne comprenait réellement ce qui était en train de se passer. Charles se pencha sur sa femme, lui tapa sur les joues, lui pris les mains, lui parla, essaya de la soulever… Paulette restait sans réaction. Un lourd silence régnait dans la pièce. Pour les enfants stupéfaits, le temps s’était arrêté. Pour eux le film s’était interrompu mais il suffisait d’attendre, il allait repartir…
Et pendant qu’ils attendaient la fin de la panne, Charles descendit téléphoner à la réception de l’hôtel. Vingt minutes plus tard un médecin faisait son entrée dans la chambre. Les enfants furent priés de regagner l’autre pièce où les plus grands tentèrent de rassurer les plus petits. Encore quelques minutes d’attente et leur mère fut emportée sur un brancard vers l’hôpital du Havre. Aucun d’eux ne la revit plus jamais.
Paulette cesse de vivre le lendemain, 2 août, sans avoir repris connaissance. Elle avait tout juste 47 ans. Son mari qui était près d’elle est dévasté. Il ne parvient ni à croire ni à comprendre ce qui lui arrive. C’est une chape de plomb qui s’abat sur sa tête. Aussi désemparé qu’abasourdi, c’est à son père qu’il pense en cet instant tragique. Car l’histoire, avec la même cruauté et la même brutalité, semble vouloir se répéter : il perd sa femme dans des conditions similaires et se retrouve seul avec six jeunes enfants (le plus petit, François-Xavier, vient d’avoir 6 ans…).
Mais aussi déconcerté qu’il soit, il comprend vite qu’il n’a pas le droit de s’effondrer et que pour ses enfants, il a le devoir de ne pas se laisser anéantir et de faire face. Le temps de se retourner, il les place ses enfants chez des amis ou dans la famille. Plutôt que d’annuler son voyage, il décide de le reporter d’un mois. Il fait envoyer le corps de sa femme à la Martinique où il a choisi de la faire inhumer parmi les siens. Et au début du mois de septembre, il embarque donc avec ses enfants sur le Flandre pour Fort-de-France.
Dans les jours qui ont suivi le drame, il s’est livré à une intense réflexion. Ce qui le préoccupe surtout c’est de ne pas séparer ses enfants les uns des autres. La famille doit rester unie. Mais contrairement à son père qui avait pu s’appuyer sur ses soeurs pour s’occuper des siens, lui ne peut compter que sur lui-même. Et il sait qu’il ne sera pas en mesure d’assumer seul cette lourde charge. Il doit trouver très vite une solution…
Contraint par le temps, Charles va alors élaborer un plan et faire un formidable pari.
Il enterre son épouse au cimetière du Lamentin, laisse sa marmaille à la famille, et prend la direction de la Guadeloupe. Une idée lui trotte dans la tête…
Hélena
Plus de 25 ans auparavant, au début de la guerre, alors jeune enseignant de retour de métropole, Charles avait eu parmi ses élèves une jeune fille au charme de laquelle il avait secrètement succombé. Après toutes ces années et dans l’état particulier dans lequel il se trouve, le souvenir de cette jolie personne lui revient.
Il calcule qu’elle doit avoir à peu près le même âge que l’épouse qu’il vient de perdre. Il ne se souvient pas de son nom, mais il se rappelle qu’elle était originaire de Trois-Rivières. Qu’est-elle devenue? Est-elle mariée? A-t-elle des enfants? Vit-elle en Guadeloupe? Il se met en quête de pouvoir répondre à toutes ces questions. Un proverbe créole prétend que “sa ki la pouw, dlo pa ka chayéy” (Ce qui t’est destiné, la rivière ne peut l’emporter). Et son instinct lui dit que… peut-être…
Il vient donc en Guadeloupe avec l’intention bien ancrée de retrouver cette jeune femme. Sa soeur Romaine lui donne les premières indications nécessaires pour retrouver sa piste et ses amis de Trois-Rivières finissent de l’informer.
Hélena GEREMY occupe la maison de ses parents à l’entrée du bourg de la commune de Trois-Rivières. Son père et sa mère sont décédés depuis quelques années déjà et elle vit seule n’étant pas mariée. Elle travaille au laboratoire d’analyses médicale de l’hôpital du Camp-Jacob à Saint-Claude.
En quelques jours, un rendez-vous est arrangé au domicile de la jeune femme par des amis communs. La rencontre est courtoise et réservée. Hélena est troublée par ce rendez-vous aussi étrange qu’inattendu, mais elle ne laisse rien paraître de sa perplexité. Elle n’a de lui qu’un souvenir imprécis, lui retrouve la femme qui l’avait séduit… Avec délicatesse il raconte la tragédie qu’il vient de vivre, parle de ses enfants, de la confusion dans la quelle il se trouve. Elle est touchée par la détresse de cet homme. La conversation s’achève pourtant dans la bonne humeur.
Avant de prendre congé, et alors que ses amis se sont déjà éloignés, il demande à Hélena si elle consent à ce qu’ils se revoient. Elle accepte et la semaine suivante, il vient la chercher pour l’emmener dîner. Deux mois plus tard, il la demande en mariage.
Apaisé, rassuré, Charles rentre à la Martinique où il a laissé ses enfants. Son plan est arrêté : se marier, rentrer en France pour tout liquider, et obtenir une mutation pour venir enseigner en Guadeloupe. Hélena qui vit seule dans une maison trop grande pour elle lui a proposé de venir s’y installer avec sa grande famille. La tâche promet d’être difficile, mais cette chose inouïe qui vient de surgir dans sa vie est comme un don du ciel, une destinée qu’elle ne peut qu’accepter, qu’elle se doit d’assumer…
Le mariage a lieu à Trois Rivières le 20 janvier 1968 en présence de tous les parents et amis, mais en l’absence des enfants laissés à la Martinique. Après quoi, Charles rapatrie tout son petit monde dans sa nouvelle demeure à Trois-Rivières. Et le 30 janvier, il reprend la mer pour la France en compagnie de ses deux premiers enfants. Les quatre plus jeunes restent avec leur nouvelle maman qui les scolarise au pensionnat de Versailles à Basse-Terre.
Alors que la France est secouée par les événements de 68, Charles prépare son déménagement. Au mois de juillet sa femme le rejoint à Paris pour effectuer les derniers préparatifs du retour et au mois d’août, les voilà de nouveau sur le bateau pour rejoindre définitivement la Guadeloupe.
Charles est finalement nommé au collège Michelet à Pointe-à-Pitre. Il passe le permis de conduire et achète une voiture : il fera deux fois par semaine le trajet entre Trois-Rivières et La Pointe où il a loué une petite chambre en ville. Les enfants et lui se font petit-à-petit à cette nouvelle vie. Pour sa femme, qui pendant des années n’avait personne à s’occuper qu’elle-même, et qui se retrouve avec charge d’âmes du jour au lendemain, la vie bascule. Et comme elle l’avait pressenti, rien n‘est facile. Mais à force de patience, de dévouement, et de bienveillance, les choses finissent par se mettre en place. Une vie “normale” reprend peu à peu pour cette famille meurtrie.
Pourtant, il ne faudra pas plus de quatre ans pour que la famille connaisse un nouvel épisode tragique. Au mois d’avril 1972, Charles se plaint de violentes douleurs abdominales. Il rend tout ce qu’il avale. Il se traîne. Il y a du sang dans les selles. Les premiers traitements ne sont d’aucun effet, son état se dégrade rapidement et nécessite l’hospitalisation. Au Camp-Jacob, les médecins lui font subir une batterie d’examens et diagnostiquent une hépatite virale aigüe. Après plusieurs hémorragies digestives, il rend son dernier souffle le 19 avril 1972. Le malheur semble s’acharner sur cette famille déjà bien fragilisée…
Charles est inhumé le dimanche 23 avril 1972 au cimetière de Trois-Rivières. Il avait 58 ans.
Hervé BOUDAR
Ange, Hervé, Joseph BOUDAR
- Date de naissance : 2 février 1895
- Lieu de naissance : 39, Faubourg de la Liberté (Alexandre-Isaac) à Pointe-à-Pitre
- Mère : Laurence, Firmine BOUDAR (1869 - 1905)
- Père : inconnu
- Frères :
- Maurice, Gésime CHAUFREIN (°3.03.1889)
- Alexandre, Romanel BOUDAR (°20.03.1897)
- Daniel, Honoré CHAUFREIN (°26.12.1902)
- Soeur :
- Fernande, Jérôme BOUDAR (°30.09.1892)
- Mariage: Gustavie FOY (x11.06.1921)
- Enfants :
- Jacqueline BOUDAR (°1é. 05.1922)
- Filleule : Marie-Thérèse DEMONIO
Hervé BOUDAR, troisième enfant de Laurence BOUDAR, voit le jour chez le sieur Hubert CHAUFREIN, faubourg de la Liberté (Alexandre-Isaac) à Pointe-à-Pitre, où demeure sa mère alors âgée de vingt-cinq ans. Auguste CHAUFREIN se déclare témoin de cette naissance.
Après une enfance auprès de sa soeur Fernande née trois ans plus tôt et de son plus jeune frère Romanel de deux ans son cadet, Hervé a 19 ans lorsqu’éclate la Grande Guerre. Le 19 juillet 1915, il est mobilisé ainsi que son frère, comme homme de troupe sous le n° matricule 2758. Le 18 novembre 1915, il est appelé en renfort comme mitrailleur au 129è régiment d’infanterie à Douaumont (Verdun). Grièvement blessé à la tempe par un éclat d’obus le 4 avril 1916 à 3 heures du matin, il est évacué ayant obtenu une permission de 15 jours, puis soigné dans un hôpital militaire à Royat dans le Puy-de-Dôme.
Nommé caporal le 21 septembre 1916, il sera cité comme “très bon soldat qui s’est toujours fait remarquer par son dévouement et sa belle attitude au feu”. Il est décoré de la Médaille militaire et de la Croix de guerre, avant d’être démobilisé le 16 septembre 1919.
Quelques semaines avant la fin la guerre, Hervé obtient une permission et rentre au pays pour six semaines en juillet-août 1918.
La fin de la guère déclarée, il songe alors à s’établir, surtout que durant son séjour à la Guadeloupe, il a rencontré Marthe, une jeune pointoise avec qui il se verrait bien construire un projet de vie. Son désir est de revenir chez lui dans ce but. Mais il lui faut pour cela surmonter deux obstacles. Le premier : un enfant -une petite fille- dont une jeune femme qu’il a rencontrée lors d’un séjour à Paris lui attribue la paternité. Bien obligé de se rendre à l’évidence, il a accepté de s’occuper de l’enfant qui est placée en nourrice chez une personne de sa connaissance résidant au Havre (Jeanine MOAN).
Deuxième écueil : l’exigence de sa soeur Fernande qui s’est mise en tête de lui faire épouser sa bonne amie Tavie (Gustavie FOY) qui travaille à ses côtés et qui selon elle serait l’épouse idéale pour son frère.
Il tente de faire comprendre à sa soeur que Tavie est une fille gentille qui a sans doute beaucoup de qualités et qu’il apprécie beaucoup, mais qu’il n’éprouve pas de sentiments particuliers pour elle et n’envisage pas de faire sa vie avec elle.
Mais Fernande est une personne autoritaire qui aime à régenter la vie de ses semblables. Dans plusieurs lettres, elle revient à la charge pour qu’Hervé change d’avis, le menaçant même de rompre toutes relations avec lui : “Si tu ne changes pas d’avis, lui écrit-elle, inutile de continuer à me considérer comme ta soeur”. Elle n’hésite pas non plus à discréditer son frère auprès de Marthe. Hervé anxieux de toujours plaire à sa grande soeur à qui il voue un grand attachement finit par céder et à lui écrire un jour :”Maintenant ma décision est faite : je veux Tavie et pas d’autre”.
Pourtant, bien que sa soeur le presse pour venir se marier au pays, il temporise : “Je ne puis te promettre de venir au mois de mai (1921 ndlr) comme tu me dis. Je n’aurai pas assez d’économies. (…) Je veux bien mais à condition que Tavie restera au pays en attendant que je la fasse venir me rejoindre. (…) Si je fais faire un complet noir pour ma noce, c’est 800 Frs, et autre chose à acheter, il faut compter déjà 1 500 à 2 000Frs. En outre, un cadeau pour ma femme. Je n’aurai jamais assez d’argent. Payer notre passage pour le retour, l’argent qu’il faudra pour vivre en attendant que je travaille, tout cela demande à réfléchir”. Plusieurs fois, il reporte son voyage…
“S’il faut je viens réellement (sic), je serai forcé d’avancer mon voyage et venir en mars prochain, mais je n’aurai que 4 000 Frs. Et c’est rien pour une noces et les passages. Je n’ose le dire à Tavie. Mais crois bien que cela contrarie ton frère s’il faut la faire attendre. Vous direz que je ne suis pas sérieux et pourtant ton frère est tout à sa fiancée”.
Accrochée à son projet, Fernande offre alors à son frère de lui avancer de l’argent.
Le mariage a lieu à Pointe-à-Pitre le 11 juin 1921 et Hervé rentre en France avec son épouse le 24 juillet.
Mais pour les jeunes mariés, les choses démarrent mal. Après quelques semaines, Hervé recommence à travailler sur les bateaux. Tavie qui ne travaille pas reste seule des semaines entières. De surcroît, les revenus sont maigres, le ménage a du mal à joindre les deux bouts et ne parvient pas honorer sa dette. Tavie déprime au point que son mari songe même à la renvoyer à la Guadeloupe. Les mois passent ainsi et un enfant est annoncé. Mais pour le couple, les choses ne s’arrangent pas. D’autant moins que Fernande ne cesse de leur réclamer son dû. Les relations avec Fernande se détériorent chaque semaine un peu plus, jusqu’à la rupture. Même la naissance de la petite Jacqueline le 1e mai 1922 ne suffit pas à calmer les exigences de Fernande. Le frère et la soeur finissent par se brouiller définitivement.
Fernande BOUDAR
Fernande, Jérôme BOUDAR
Pour Fernande la vie ne semble pas avoir été un long fleuve tranquille. Sa mère doit se battre pour s’en sortir et élever quasiment seule ses 5 enfants. Orpheline très tôt, elle doit ensuite la remplacer pour s’occuper de ses frères. Avec Wilfrid, les choses ne sont pas simples. Dès le début les relations du couple sont le plus souvent tumultueuses, tendues, conflictuelles… Ces rapports passionnels déteignent sur l’ambiance générale de la maison : chez les Démonio, la sérénité n’est jamais de mise. L’atmosphère est électrique, l’agitation permanente.
On ne saura jamais comment les choses se seraient passées pour Fernande si, étant jeune, elle n'avait pas dû rentrer du Canada où elle était partie comme gouvernante. Ou si plus tard, mariée et mère de 5 enfants et en attente d’un sixième, elle n’avait pas disparu si tôt (âgée de 36 ans) laissant son mari seul à la tête d’une famille nombreuse, après 9 ans de mariage…
- Date de naissance : 30 septembre 1892
- Lieu de naissance : Les Cayes (HAÏTI)
- Date du décès : 17 octobre 1928 à Paris
- Mère : Laurence, Firmine BOUDAR (1869 - 1905)
- Père : inconnu
- Frères :
- Maurice, Gésime CHAUFREIN (°3.03.1889)
- Ange, Hervé, Joseph BOUDAR (°2.02.1895)
- Alexandre, Romanel BOUDAR (°20.03.1897)
- Daniel, Honoré CHAUFREIN (°26.12.1902)
- Conjoint : Wilfrid DEMONIO (x17.06.1919)
- Enfants :
- Charles DEMONIO (°14. 08.1914)
- Lucette DEMONIO (°21.05.1916)
- Marie-Thérèse DEMONIO (°2.05.1921)
- Romaine DEMONIO (°13.09.1923)
- Maurice DEMONIO (°26.07.1926)
Laurence BOUDAR se trouve en voyage d’affaires en Haïti lorsqu’elle donne naissance à son deuxième enfant, Fernande, qui sera sa seule fille.
Très tôt, la petite fille fait montre d’un caractère bien trempé. Comme sa mère, c’est une personne énergique et volontaire qui n’aime pas se laisser faire. Elle n’a que 13 ans lorsque sa mère disparaît à l’âge de 36 ans et qu’elle doit endosser le rôle de chef de famille.
A 18 ans, elle décide pourtant de partir tenter sa chance au Canada avec trois ou quatre autres jeunes filles de la Guadeloupe, engagées comme gouvernantes dans des familles québécoises à Mont Saint-Hilaire, dans la banlieue de Montréal. Fernande, est très appréciée par tous les membres de la famille CHOQUETTE où elle se trouve placée. Les trois enfants, à qui elle apprend des comptines et des chansons de la Guadeloupe, ainsi que les cris des marchands ambulants de Pointe-à-Pitre, l’aiment beaucoup.
En 1992, Michel CLERK, le neveu de Madeleine (une des enfants CHOQUETTE), président de la société d’histoire de Mont Saint-Hilaire, évoquant cet épisode dans le magazine de la société, raconte que “n’ayant trouvé ni mari ni fortune à Saint-Hilaire, et s’acclimatant mal aux froids hivers canadiens, les Guadeloupéennes retournèrent toutes en leur pays au bout de deux ou trois ans.” On doit à Romaine GEMIEUX d’avoir rétabli le contact avec les descendants de cette famille québécoise à l’occasion d’un voyage touristique à Montréal en 1989…
Fernande en compagnie des enfants CHOQUETTE au Québec
Tout juste âgée de 20 ans, Fernande rentre donc en Guadeloupe au cours de l’année 1912. Elle est alors une belle jeune fille, un peu ronde, qui plaît aux hommes. C’est à cette époque que par l’intermédiaire d’un oncle -Jean CHAUFREIN- préposé aux douanes, elle fait la connaissance de Wilfrid DEMONIO qui tombe sous le charme de cette jeune femme vive et entreprenante. Elle de son côté, est séduite par ce bel homme élégant, cultivé, et doté d’une belle situation.
De cette rencontre va naître une union ardente et souvent tumultueuse… D’abord parce que Fernande est beaucoup plus jeune que Wilfrid. Indépendante, active, remuante, c’est un oiseau qui ne supporte guère de rester en cage. Ensuite parce que Wilfrid qui n’est pas marié fréquente depuis longtemps une maîtresse de façon assidue : Gabrielle CORNEILLE -dite Titine- avec qui il a déjà deux enfants en bas âge. Pour l’instant du moins, il n’entend pas mettre fin à cette union… S’instaure ainsi très tôt une relation plutôt tendue, voire “électrique” entre les deux nouveaux amants.
Les mois passent. Wilfrid partage sa vie entre ses deux femmes, violant chaque jour ses propres règles d’ordre moral. Bientôt, Titine est de nouveau enceinte et le 4 mai 1914, elle accouche d’un petit garçon : Etienne. Quatre mois plus tard, le 30 août de la même année, alors que la guerre éclate en Europe, c’est au tour de Fernande de donner naissance à son premier enfant : Charles.
Lasse de cette humiliante situation, Fernande écrit à son homme : “Après la haine de tes parents, je pense que cela ne peut plus continuer car je suis sans aucun être sur la terre pour m’encourager dans cette vie de malpropreté que je mène. J’en suis rassasiée. La coupe est pleine et je suis trop jeune pour supporter et la méchanceté de tes parents et l’emmerdement et aussi les maléfices de ta femme. Et puisqu’il te faut deux femmes à petit trait, je cède ma place. Puisque tu ne peux et ne pourras t’en passer d’elle, garde-la. Je ne peux plus. Bien que nous sommes tous égaux sur la terre mais chacun a sa hauteur et son rang et moi je ne me sens plus capable de rester au même rang que Titine, et encore d’après elle moins encore qu’elle.(…) Il y a deux ans que je lutte. J’ai demandé la patience, à présent je suis épuisée. J’ai un enfant, si tu veux le soigner tu agiras d’après ton goût comme si tu ne veux (pas) tant pis. Dieu m’aidera.(…) Si par malheur quelque chose m’arriverait, bien que d’après ce que dit T. (Titine? ndlr), tu doutes que Charles soit à toi, mais enfin pour Dieu occupe-toi de lui parce que je suis sûre que c’est ton sang.
Pourtant, deux ans plus tard, le 21 mai 1916, sans que Wilfrid se soit toujours décidé à choisir laquelle de ses deux concubines a sa préférence, Fernande accouche de Lucette… Elle vit alors sous son propre toit, occupant la maison de sa mère au 39 rue du Faubourg de la Liberté (aujourd’hui Alexandre-Isaac), où elle a repris les activités de commerce (vente de vin et de meubles) dont Laurence BOUDAR tirait une partie de ses revenus…
Fernande et Lucette (1916)
Entre Fernande et Wilfrid les rapports restent conflictuels, ce dernier ne supportant pas son “je m’enfichisme” et son “réel dévergondage”. En 1917, alors qu’elle est partie passer quelques jours avec ses deux enfants chez une amie à Basse-Terre, il lui écrit en ces termes : “Ma missive n’a pas pour but de te déranger dans tes nombreux plaisirs… Loin de là, je les veux encore plus nombreux, plus grands et plus variés pour toi ; mais elle est destinée à te dire, si tu peux consentir à écouter ma voix, que je ne prétends pas voir mes enfants voyager à bord d’aucun paquebot de retour à cause des nombreux inconvénients que présentent ces genres de voyage qui n’ont jamais lieu que la nuit. S’il te plait de choisir ce mode de transport, tu le prendras pour toi seule après avoir donné l’ordre à la bonne de s’embarquer le lendemain par l’auto avec les deux enfants.(…) Je désire que tu t’amuses plus encore… et le plus qu’il te sera possible de t’amuser… Mais je te demanderai de ne jamais me dire (ça je ne l’admets point) qu’il ne manquait que moi à tes plaisirs. Me prends-tu pour un couillon alors?… Tu ne prends même pas le temps de réfléchir à ce que tu fais et cela sans vouloir écouter ce que je te dis, sans suivre mes conseils.(…) Quels plaisirs si pressants allais-tu connaître à Basse-Terre, d’autres que ceux que tu as connus dans ta vie?… (…) Je serais curieux d’en connaître les raisons…
Il en est de cela comme de l’affaire d’auto au Gosier. C’est une véritable rage.
En attendant, amuse-toi. Amuse-toi toujours…
Bien à toi. W.D.
Les deux frères de Fernande ont été mobilisés et envoyés se battre sur le front de guerre dans l’Est de la France. L’armistice est signé le 11 novembre 1918, mais ils ne seront pas démobilisés tout de suite et ne pourront donc pas assister à la petite victoire remportée par Fernande : son mariage avec le père de ses enfants le 17 juin 1919. Car Titine, de guerre lasse a capitulé, préférant renoncer à une liaison sans lendemain malgré son attachement profond pour Wilfrid. Fernande n’est pas peu fière de porter désormais le nom de Madame DEMONIO…
Est-ce dans l’euphorie de son union avec Wilfrid que lui vient le désir de voir son frère Hervé se marier à son tour? Toujours est-il qu’une fois mariée, elle n’a de cesse de le pousser dans les bras de sa bonne amie Tavie qui selon ses vues serait pour lui un parti idéal. Après des mois de recommandations et de négociations pressantes, Hervé finit par céder. Fernande lui avance les frais des voyages et les dépenses pour la noce. Le 11 juin 1921, il épouse Gustavie Foy à la mairie de Pointe-à-Pitre. On lui offre aussi d’être le parrain de la petite Marie-Thérèse, née quelques semaines plus tôt. Mais de retour au Havre, l’installation des jeunes mariés s’avère difficile. Gustavie supporte mal le climat et les longues absences de son mari qui travaille sur les bateaux. De surcroît, Fernande harcèle le couple sans discontinuer pour récupérer son argent. Au fil des mois, les relations se détériorent jusqu’à la rupture entre le frère et la soeur.
Entre Fernande et Wilfrid, malgré des relations toujours ombrageuses, le mariage survit à ces différends. D’autres enfants viennent s’ajouter aux deux premiers : après Marie-Thérèse née le 2 mai 1921, Romaine arrive le 1e septembre 1923, et Maurice le 26 juillet 1926. Entre temps, la famille s’est installée dans une grande maison à étage avec galetas au 5 de la rue Victor Hugo, à deux pas de la place de la Victoire.
En 1928, Wilfrid dépose une demande de congé administratif en France. Il y emmène sa femme et ses enfants, y compris ses premiers fils, ceux de Titine. Partie en juillet, la famille n’aura guère le temps de profiter de ce voyage. Au mois d’août, Fernande, enceinte de son sixième enfant, est admise à l’hôpital où son état se dégrade régulièrement. Elle meurt le 17 octobre 1928 âgée, tout comme sa mère, de 36 ans.
La famille DEMONIO : Wilfrid et Charles, Lucette devant Marie-Thérèse,
Fernande et Romaine sur ses genoux (1924)
Gabrielle CORNEILLE
Berthe, Marie, Gabrielle CORNEILLE
Bien avant les grandes migrations de la campagne vers Pointe-à-Pitre qui firent suite au terrible cyclone de 1928 et qui virent affluer des milliers de ruraux pour la reconstruction de la ville, Gabrielle Corneille avait choisi de venir s’y installer. Arrivée dès l’âge de 18 ans, elle se fait vite connaître auprès des notables pour la qualité de son travail de lingère, et aussi comme femme de culture : hommes politiques, enseignants, artistes se rencontrent régulièrement chez elle au cours de soirées littéraires et musicales. Bien qu’elle ne se soit jamais mariée, elle a laissé derrière elle un nombreuse descendance partagée entre la France et la Guadeloupe.
- Date de naissance : 26 juin 1883
- Lieu de naissance : Anse-Bertrand
- Date du décès : 23 juin 1949 à Pointe-à-Pitre
- Mère : Armantine, Luce CALIXTE (38 ans)
- Père : Guillaume, Eugène CORNEILLE (45 ans)
- Frères :
- Joseph, Pierre, Louis, Dumont CORNEILLE (°2.11.1873)
- Etienne, Pierre, Louis CORNEILLE (°2.01.1876)
- Soeurs :
- Marie, Louise CORNEILLE (°4.02.1865)
- Marie, Eugénie, Charlotte CORNEILLE (°3.09.1867)
- Marie, Lucie CORNEILLE (°16.07.1870)
- Marie, Josephine, Mathilde CORNEILLE (°2.11.1873)
- Marie, Flavie, Désirée CORNEILLE (°10.05.1880)
- Unions :
- Albert ARTAXE (°7.08.1875)
- Charles FOURNIER (?)
- Wilfrid DEMONIO (°15.02.1878)
- M.PIRAL
- Enfants :
- André ARTAXE (°1904)
- Gisèle CORNEILLE (°30.05.1907)
- François DEMONIO (°17.01.1910)
- Henri DEMONIO (°1912)
- Etienne DEMONIO (°4.05.1914)
- Ninon CORNEILLE (°28.12.1920)
Gabrielle Corneille est née le 26 juin 1883 à Anse-Bertrand, petite commune du nord de la Grande-Terre. Fille d’un père blanc, maçon de son métier, et d’une mère mulâtresse, elle est la dernière d’une fratrie de 8 enfants parmi lesquels deux jumeaux (Joseph et Josephine).
Comme beaucoup de jeunes Guadeloupéens de famille modeste de l’époque qui émigrent de la campagne vers la ville pour trouver du travail, elle quitte l’Anse-Bertrand vers l’âge de 18 ans et vient s’installer à Pointe-à-Pitre comme lingère. C’est une excellente blanchisseuse/repasseuse : les grandes familles pointoises lui confient leurs vêtements.
Gabrielle, que pour une raison inconnue on surnomme Titine (sa maman s’appelait Armantine…), est une femme cultivée, amatrice de musique classique et de littérature dont elle cite par coeur les grands auteurs. Dans sa maison de la rue du Commandant Mortenol, elle aime recevoir artistes, musiciens, conteurs…
Elle a à peine 20 ans lorsqu’elle rencontre Albert ARTAXE, un homme retiré des affaires qui avait travaillé toute sa carrière dans les chemins de fer au Togo. Avec lui, elle a son premier fils André, né en 1904. Cet enfant sera reconnu très tard pas son père qui l’emmènera en Afrique pour l’aider à trouver une situation. Le deuxième enfant de Gabrielle, Gisèle née le 31 mai 1907, serait le fruit d’une liaison avec un homme d’origine métropolitaine, un directeur de banque qui lui confiait son linge.
De Wilfrid, qui devient son amant alors que sa fille est âgée de deux ans, elle aura trois fils : François en 1910 (17 janvier), Henri en 1912, et Etienne en 1914 (4 mai). Sans doute aurait-elle consenti à l’épouser s’il l’avait demandée en mariage… Mais alors que le petit Henri n’a que deux ans, Wilfrid se laisse charmer par une jeune femme remuante et entreprenante, Fernande BOUDAR, avec qui il entame une relation assidue. Gabrielle, très amoureuse, n’accepte pas cette infidélité. Comme sa rivale, elle s’insurge contre cette humiliante situation. Mais rien n’y fait. Wilfrid, malgré les récriminations de deux femmes, s’accommode assez bien de cette double liaison.
Bientôt, chacune d’elle attend un enfant. Le 4 mai 1914, Gabrielle accouche d’Etienne. Quatre mois plus tard, le 30 août de la même année, Fernande donne naissance à son premier enfant, Charles. La rivalité entre les deux femmes est à son comble. Gabrielle a du mal à comprendre ce que Wilfrid peut bien trouver à cette “marchande de poisson”. Fernande, elle, se plaint des ennuis et des harcèlements incessants qui lui fait subir Titine…
Mais Wilfrid n’entend pas mettre un terme à cette double vie. En 1915, Fernande est de nouveau enceinte : Lucette vient au monde le 31 mai 1916. C’est l’affront de trop. Gabrielle capitule. Elle garde pour le père de ses enfants tendresse et attachement, mais préfère mettre un terme à cette liaison sans lendemain. Touché dans son orgueil, Wilfrid fort contrarié, n’hésite pas à l’accabler. Néanmoins, n’ayant jamais renié ses enfants, il continue de contribuer à leur éducation en versant chaque mois l’argent nécessaire pour qu’ils ne manquent de rien.
Par dépit peut-être, Gabrielle prend alors un nouvel amant, dont en 1920 elle aura une fille baptisée Ninon. En 1934, alors que Fernande est décédée et que Wilfrid est remarié, Elle lui proposera d’être le parrain de sa petite fille, Julie ARTAXE. Il y consentira volontiers.
En 1936, un grand malheur vient la frapper : son fils Henri, le deuxième fils de Wilfrid, alors âgé de 24 ans, meurt à l’hôpital des suites des blessures subies lors d’un incendie. Ayant voulu apporter son aide aux pompiers, il avait été asphyxié par les émanations de dioxyde de carbone…
Sur la fin de sa vie, Gabrielle est dans l’impécuniosité. Elle a du mal à joindre les deux bouts. Son fils François, le premier enfant de Wilfrid qui fait une belle carrière d’administrateur des colonies en Afrique, lui vient en aide en lui faisant verser directement la moitié de son traitement. Elle s’éteint quelques mois après celui qui aura été l’homme de sa vie, le 23 juin 1949, quelques jours seulement avant son 66è anniversaire.
Gabrielle entourée de ses deux filles : Gisèle (à g.) et Ninon (à d.). Avec elles les filles de Gisèle : Monique CHARTOL (à g.) et Jacqueline CHARTOL (à d.).