EN ROUTE VERS LE BONHEUR...

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Fernande BOUDAR

Fernande, Jérôme BOUDAR

 

Pour Fernande la vie ne semble pas avoir été un long fleuve tranquille. Sa mère doit se battre pour s’en sortir et élever quasiment seule ses 5 enfants. Orpheline très tôt, elle doit ensuite la remplacer pour s’occuper de ses frères. Avec Wilfrid, les choses ne sont pas simples. Dès le début les relations du couple sont le plus souvent tumultueuses, tendues, conflictuelles… Ces rapports passionnels déteignent sur l’ambiance générale de la maison : chez les Démonio, la sérénité n’est jamais de mise. L’atmosphère est électrique, l’agitation permanente.

On ne saura jamais comment les choses se seraient passées pour Fernande si, étant jeune, elle n'avait pas dû rentrer du Canada où elle était partie comme gouvernante. Ou si plus tard, mariée et mère de 5 enfants et en attente d’un sixième, elle n’avait pas disparu si tôt (âgée de 36 ans) laissant son mari seul à la tête d’une famille nombreuse, après 9 ans de mariage…

 

 

Wilfrid + Fernande208.jpg

 

  • Date de naissance : 30 septembre 1892
  • Lieu de naissance : Les Cayes (HAÏTI)
  • Date du décès : 17 octobre 1928 à Paris
  • Mère : Laurence, Firmine BOUDAR (1869 - 1905)
  • Père : inconnu
  • Frères : 
    • Maurice, Gésime CHAUFREIN (°3.03.1889)
    • Ange, Hervé, Joseph BOUDAR (°2.02.1895)
    • Alexandre, Romanel BOUDAR (°20.03.1897)
    • Daniel, Honoré CHAUFREIN (°26.12.1902)
  • Conjoint : Wilfrid DEMONIO (x17.06.1919)
  • Enfants :
    • Charles DEMONIO (°14. 08.1914)
    • Lucette DEMONIO (°21.05.1916)
    • Marie-Thérèse DEMONIO (°2.05.1921)
    • Romaine DEMONIO (°13.09.1923)
    • Maurice DEMONIO (°26.07.1926)

 

Laurence BOUDAR se trouve en voyage d’affaires en Haïti lorsqu’elle donne naissance à son deuxième enfant, Fernande, qui sera sa seule fille.

Très tôt, la petite fille fait montre d’un caractère bien trempé. Comme sa mère, c’est une personne énergique et volontaire qui n’aime pas se laisser faire. Elle n’a que 13 ans lorsque sa mère disparaît à l’âge de 36 ans et qu’elle doit endosser le rôle de chef de famille.

 

A 18 ans, elle décide pourtant de partir tenter sa chance au Canada avec trois ou quatre autres jeunes filles de la Guadeloupe, engagées comme gouvernantes dans des familles québécoises à Mont Saint-Hilaire, dans la banlieue de Montréal. Fernande, est très appréciée par tous les membres de la famille CHOQUETTE où elle se trouve placée. Les trois enfants, à qui elle apprend des comptines et des chansons de la Guadeloupe, ainsi que les cris des marchands ambulants de Pointe-à-Pitre, l’aiment beaucoup. 

 

En 1992, Michel CLERK, le neveu de Madeleine (une des enfants CHOQUETTE), président de la société d’histoire de Mont Saint-Hilaire, évoquant cet épisode dans le magazine de la société, raconte que “n’ayant trouvé ni mari ni fortune à Saint-Hilaire, et s’acclimatant mal aux froids hivers canadiens, les Guadeloupéennes retournèrent toutes en leur pays au bout de deux ou trois ans.” On doit à Romaine GEMIEUX d’avoir rétabli le contact avec les descendants de cette famille québécoise à l’occasion d’un voyage touristique à Montréal en 1989…

 

Fernande et les enfants Choquette.jpg

Fernande en compagnie des enfants CHOQUETTE au Québec

 

Tout juste âgée de 20 ans, Fernande rentre donc en Guadeloupe au cours de l’année 1912. Elle est alors une belle jeune fille, un peu ronde, qui plaît aux hommes. C’est à cette époque que par l’intermédiaire d’un oncle -Jean CHAUFREIN- préposé aux douanes, elle fait la connaissance de Wilfrid DEMONIO qui tombe sous le charme de cette jeune femme vive et entreprenante. Elle de son côté, est séduite par ce bel homme élégant, cultivé, et doté d’une belle situation. 

 

De cette rencontre va naître une union ardente et souvent tumultueuse… D’abord parce que Fernande est beaucoup plus jeune que Wilfrid. Indépendante, active, remuante, c’est un oiseau qui ne supporte guère de rester en cage. Ensuite parce que Wilfrid qui n’est pas marié fréquente depuis longtemps une maîtresse de façon assidue : Gabrielle CORNEILLE -dite Titine- avec qui il a déjà deux enfants en bas âge. Pour l’instant du moins, il n’entend pas mettre fin à cette union… S’instaure ainsi très tôt une relation plutôt tendue, voire “électrique” entre les deux nouveaux amants. 

 

Les mois passent. Wilfrid partage sa vie entre ses deux femmes, violant chaque jour ses propres règles d’ordre moral. Bientôt, Titine est de nouveau enceinte et le 4 mai 1914, elle accouche d’un petit garçon : Etienne. Quatre mois plus tard, le 30 août de la même année, alors que la guerre éclate en Europe, c’est au tour de Fernande de donner naissance à son premier enfant : Charles.

 

Lasse de cette humiliante situation, Fernande écrit à son homme : “Après la haine de tes parents, je pense que cela ne peut plus continuer car je suis sans aucun être sur la terre pour m’encourager dans cette vie de malpropreté que je mène. J’en suis rassasiée. La coupe est pleine et je suis trop jeune pour supporter et la méchanceté de tes parents et l’emmerdement et aussi les maléfices de ta femme. Et puisqu’il te faut deux femmes à petit trait, je cède ma place. Puisque tu ne peux et ne pourras t’en passer d’elle, garde-la. Je ne peux plus. Bien que nous sommes tous égaux sur la terre mais chacun a sa hauteur et son rang et moi je ne me sens plus capable de rester au même rang que Titine, et encore d’après elle moins encore qu’elle.(…) Il y a deux ans que je lutte. J’ai demandé la patience, à présent je suis épuisée. J’ai un enfant, si tu veux le soigner tu agiras d’après ton goût comme si tu ne veux (pas) tant pis. Dieu m’aidera.(…) Si par malheur quelque chose m’arriverait, bien que d’après ce que dit T. (Titine? ndlr), tu doutes que Charles soit à toi, mais enfin pour Dieu occupe-toi de lui parce que je suis sûre que c’est ton sang. 

 

Pourtant, deux ans plus tard, le 21 mai 1916, sans que Wilfrid se soit toujours décidé à choisir laquelle de ses deux concubines a sa préférence, Fernande accouche de Lucette… Elle vit alors sous son propre toit, occupant la maison de sa mère au 39 rue du Faubourg de la Liberté (aujourd’hui Alexandre-Isaac), où elle a repris les activités de commerce (vente de vin et de meubles) dont Laurence BOUDAR tirait une partie de ses revenus…

 

Fernande et Lucette.jpg

Fernande et Lucette (1916)

 

Entre Fernande et Wilfrid les rapports restent conflictuels, ce dernier ne supportant pas son “je m’enfichisme” et son “réel dévergondage”. En 1917, alors qu’elle est partie passer quelques jours avec ses deux enfants chez une amie à Basse-Terre, il lui écrit en ces termes : “Ma missive n’a pas pour but de te déranger dans tes nombreux plaisirs… Loin de là, je les veux encore plus nombreux, plus grands et plus variés pour toi ; mais elle est destinée à te dire, si tu peux consentir à écouter ma voix, que je ne prétends pas voir mes enfants voyager à bord d’aucun paquebot de retour à cause des nombreux inconvénients que présentent ces genres de voyage qui n’ont jamais lieu que la nuit. S’il te plait de choisir ce mode de transport, tu le prendras pour toi seule après avoir donné l’ordre à la bonne de s’embarquer le lendemain par l’auto avec les deux enfants.(…) Je désire que tu t’amuses plus encore… et le plus qu’il te sera possible de t’amuser… Mais je te demanderai de ne jamais me dire (ça je ne l’admets point) qu’il ne manquait que moi à tes plaisirs. Me prends-tu pour un couillon alors?… Tu ne prends même pas le temps de réfléchir à ce que tu fais et cela sans vouloir écouter ce que je te dis, sans suivre mes conseils.(…) Quels plaisirs si pressants allais-tu connaître à Basse-Terre, d’autres que ceux que tu as connus dans ta vie?… (…) Je serais curieux d’en connaître les raisons…

Il en est de cela comme de l’affaire d’auto au Gosier. C’est une véritable rage.

En attendant, amuse-toi. Amuse-toi toujours

 

Bien à toi. W.D.

 

Les deux frères de Fernande ont été mobilisés et envoyés se battre sur le front de guerre dans l’Est de la France. L’armistice est signé le 11 novembre 1918, mais ils ne seront pas démobilisés tout de suite et ne pourront donc pas assister à la petite victoire remportée par Fernande : son mariage avec le père de ses enfants le 17 juin 1919. Car Titine, de guerre lasse a capitulé, préférant renoncer à une liaison sans lendemain malgré son attachement profond pour Wilfrid. Fernande n’est pas peu fière de porter désormais le nom de Madame DEMONIO…

 

Est-ce dans l’euphorie de son union avec Wilfrid que lui vient le désir de voir son frère Hervé se marier à son tour? Toujours est-il qu’une fois mariée, elle n’a de cesse de le pousser dans les bras de sa bonne amie Tavie qui selon ses vues serait pour lui un parti idéal. Après des mois de recommandations et de négociations pressantes, Hervé finit par céder. Fernande lui avance les frais des voyages et les dépenses pour la noce. Le 11 juin 1921, il épouse Gustavie Foy à la mairie de Pointe-à-Pitre. On lui offre aussi d’être le parrain de la petite Marie-Thérèse, née quelques semaines plus tôt. Mais de retour au Havre, l’installation des jeunes mariés s’avère difficile. Gustavie supporte mal le climat et les longues absences de son mari qui travaille sur les bateaux. De surcroît, Fernande harcèle le couple sans discontinuer pour récupérer son argent. Au fil des mois, les relations se détériorent jusqu’à la rupture entre le frère et la soeur. 

 

Entre Fernande et Wilfrid, malgré des relations toujours ombrageuses, le mariage survit à ces différends. D’autres enfants viennent s’ajouter aux deux premiers : après Marie-Thérèse née le 2 mai 1921, Romaine arrive le 1e septembre 1923, et Maurice le 26 juillet 1926. Entre temps, la famille s’est installée dans une grande maison à étage avec galetas au 5 de la rue Victor Hugo, à deux pas de la place de la Victoire.

 

En 1928, Wilfrid dépose une demande de congé administratif en France. Il y emmène sa femme et ses enfants, y compris ses premiers fils, ceux de Titine. Partie en juillet, la famille n’aura guère le temps de profiter de ce voyage. Au mois d’août, Fernande, enceinte de son sixième enfant, est admise à l’hôpital où son état se dégrade régulièrement. Elle meurt le 17 octobre 1928 âgée, tout comme sa mère, de 36 ans.

 

 

Wilfrid-Fernande Demonio et leurs enfants.jpgLa famille DEMONIO : Wilfrid et Charles, Lucette devant Marie-Thérèse,

Fernande et Romaine sur ses genoux (1924)



03/06/2020
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