EN ROUTE VERS LE BONHEUR...

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François, le Magnifique

François, Henri, Antoine, Charles, Lucien DEMONIO 

 

 

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  • Date de naissance : 17 janvier 1910
  • Lieu de naissance : Pointe-à-Pitre
  • Date du décès : 26 juillet 1958
  • Lieu du décès : Paris
  • Mère : Berthe, Marie, Gabrielle CORNEILLE (1883 - 1949)
  • Père : Wilfrid, Charles, François, Faustin DEMONIO (1878 - 1948)
  • Frères : 
    • Henri DEMONIO (1912 - 1936)
    • Etienne, Lucien, Pierre, Faustin DEMONIO (1914 - 1990)
    • Charles, Amédée, Fiacre DEMONIO (1914 - 1972)
    • Maurice, Anne-Marie, Benjamin DEMONIO (1926 - 1986)
  • Soeur : 
    • Lucette, Laurence, Gisèle DEMONIO (1916 - 2007)
    • Marie-Thérèse, Louise, Athanase DEMONIO (1921 - 2017)
    • Romaine, Fernande, Celutta, Gilles DEMONIO (1923 - 2007)
  • Mariages : 
    • Reine JAOFENO (1927 - x)
  • Enfants :
    • Louise, Angèle DEMONIO (°1e.01.1952)
    • Henri, Maurice, Vincent DEMONIO (°3.09.1954)

 

 

 

 

Notre cousine Monique CHARTOL (Madame COMBLE), fille de Gisèle CORNEILLE et petite fille de Gabrielle CORNEILLE, nous a fait parvenir un joli texte qui retrace la vie du frère de sa mère, son oncle François DEMONIO, le premier fils de Wilfrid. Nous le publions ici presque tel quel. Il complète les informations qui figurent déjà sur ce blog à propos de François et éclaire d’un jour nouveau l’histoire de notre famille.

 

 

 

FRANCOIS LE MAGNIFIQUE

 

Je voudrais apporter à la biographie de notre oncle commun François, déjà présentée sur ce blog, les éléments que j’ai pu recueillir de mon côté, ceux que m’a transmis ma famille, et ceux que j’ai vécus et conservés lors de mes contacts avec mon oncle.

 

François est le troisième enfant de Gabrielle CORNEILLE (dite Titine) et son premier fils avec Wilfrid DEMONIO qui sera ensuite le père de ses deux autres fils : Henri (né en 1912), et Etienne (né en 1914).

 

Enfant modèle, studieux, François fait comme son père de brillantes études au lycée Carnot à Pointe-à-Pitre et obtient son bachot littéraire en 1928.

 

1928

Le 12 septembre 1928, un très violent cyclone ravage la Guadeloupe. Vents, raz-de-marée, 1 300 morts et beaucoup de dégâts matériels… Le toit de ma grand-mère s’envole, l’eau inonde sa maison… La poupée de ma tante Ninon est retrouvée dans une rue voisine. Le carton bouilli avait triplé de volume! Heureusement, la valise de François, déjà préparée pour son départ en France, que Grand-mère avait bien protégée est épargnée et elle n’eut pas à racheter un nouveau trousseau pour son fils. Il embarque donc comme prévu direction Paris où il entre en classe préparatoire au lycée Louis-Legrand. 

 

Ses excellents résultats lui ouvrent les portes de la prestigieuse Ecole coloniale à Saint-Maixent (Deux-Sèvres) où il est admis en 1931. Jeune étudiant, il découvre les difficultés de la vie d’un jeune homme aux ressources modestes, loin de sa famille dans une grande ville inconnue, très animée… Cinéma, théâtre, musées, bals, concerts, musique, et la fameuse exposition coloniale de 1931… Une fabuleuse période initiatique! En 1933, Francois quitte Saint-Maixent après une solide formation puis fait son service militaire comme sous-officier à Toulon jusqu’en octobre 1934.

 

Grâce au résumé de ses états de service transmis par sa fille Louise, et quelques recherches, il est possible, malgré certaines lacunes, de reconstituer la carrière de François au sein de l’administration coloniale française. Le 22 octobre 1934, il arrive au Togo, en Afrique occidentale Française (A.O.F.), où il occupe un poste dans l’administration générale, avant de se rendre à Porto-Novo au Dahomey (actuel Bénin) où il travaille durant 5 mois.

 

Du 23 mai 1935 au 28 décembre 1936, il est de nouveau en poste à Lomé au Togo. Et après un congé administratif de 6 mois, il revient au Togo où il est nommé chef par intérim de la subdivision de Palimé. Pendant ce temps, Hitler a pris le pouvoir en Allemagne. La tension monte en Europe. Dans l’empire colonial français, c’est aussi l’inquiétude.

 

La Deuxième guerre mondiale

Du 3 septembre 1939 au 24 juillet 1940, François est mobilisé à Ouidah au Dahomey puis il est nommé adjoint au commandant de cercle à Lomé (Togo) du 24 septembre au 20 novembre 1940. Démobilisé jusqu’en janvier 1941, il est de nouveau mobilisé au Dahomey puis au Togo où il est nommé chef de Subdivision, d’abord à Sokodé, puis à Lama-Cara.

 

Entre temps, il s’est passé beaucoup de choses en Europe et ailleurs. La France est gouvernée par Pétain, installé à Vichy. Le pays est coupé en deux. De Gaulle s’est “mis à l’abri” à Londres d’où, après son appel du 18 juin, il organise la résistance. En Afrique, civils et militaires s’y rallient, notamment Félix Eboué (natif de la Guyane).

 

François se préoccupe de l’évolution de la situation. A-t-on cherché à l’éloigner… au cas où il ne voudrait plus se soumettre au gouvernement de Vichy? Dans ses lettres à son père, il se dit “fatigué de l’Afrique”…

 

Entre la Guadeloupe et l’Afrique, le courrier circule mal. Les lettres parviennent difficilement… ou pas du tout. Les mandats que François envoie à sa mère n’arrivent pas toujours à destination. Il est un peu découragé et inquiet. En Guadeloupe, la famille aussi est angoissée.

 

Bientôt, la guerre se généralise. Les Etats-Unis entrent à leur tour dans le conflit après l’attaque de Pearl Harbour par l’armée japonaise le 7 juillet 1941. La Russie également entre en guerre aux côtés des alliés. Plusieurs pays d’Afrique sont occupés par les Allemands qui convoitent les colonies britanniques et françaises en particulier. En Asie mineure -le “Levant” comme on l’appelle à l’époque- , les Allemands (aidés par le gouvernement de Vichy) cherchent à s’installer, notamment en Syrie et au Liban. Ces protectorats français en profitent pour proclamer leur indépendance (que la France reconnaîtra officiellement le 3 novembre 1944).

 

François se morfond à Lama-Cara, obtient quatre mois de congés qu’il passe à Dalaba, en Guinée. Il songe à partir en Asie. Dans une lettre dont une une partie est illisible ou censurée, il dit “n’avoir plus d’espoir de s’en sortir”…

 

A partir du 17 novembre 1942, il est nommé à disposition du chef de service des Affaires économiques. Du 6 juin 1943 au 16 octobre 1945, il est mobilisé au B.T.S. de Cotonou au Dahomey, puis incorporé au R.M.I de Rufisque, important port près de Dakar au Sénégal.

 

Dans ses lettres, François se sent définitivement pris au piège; mais ne renonce pas à revoir sa famille. Cela fait 8 ans qu’il est en Afrique ! Et 14 ans qu’il a quitté la Guadeloupe !!!

 

Petite zone d’ombre… La guerre n’est pas terminée. Il embarque à Rufisque et… au R.T.I. à Latania (ou Lataquié) en Syrie. Wilfrid reçoit un courrier de son fils daté de Cotonou le 4 octobre 1943. Impossible pour François de revenir en Guadeloupe par le bateau (champs de mines marins, sous-marins allemands), peu de bateaux parviennent à traverser l’océan atlantique… François mentionne qu’il a visité de nombreux lieux et monuments historiques sans indiquer lesquels. “Monuments vieux de 40 siècles”… Serait-ce en Egypte?… Les pyramides? 

 

Le 16 juin 1945, plus d’un mois après l’armistice, Wilfrid reçoit un courrier non localisé dans lequel François annonce son arrivée à la Pointe pour le mois suivant. Il dit espérer y manger un calalou, être muté en Guadeloupe ou dans une île voisine, rester le plus longtemps possible avec sa famille. Il laisse entendre qu’il n’est pas en odeur de sainteté auprès de ses supérieurs, car il n’a pas caché son attachement au général de Gaulle ;”J’ai eu tort d’être trop franc, trop naïf”. Une phrase de son courrier a été biffée…

 

Fin de la guerre

François obtient enfin une autorisation d’absence (un congé) du 16 octobre 1945 au 7 juillet 1947 et se trouve en instance d’embarquement. Difficile de connaître les détails de son voyage du retour au pays entre la Syrie… l’Afrique… la France. Ni de son arrivée à Pointe-à-Pitre en 1946. Ce qu’il faut retenir c’est la joie indescriptible de ses deux familles, celle de sa mère Gabrielle et celle de son père Wilfrid. Celui-ci s’était entre temps marié en 1919 à Fernande Boudar qui lui avait donné 5 enfants et était décédée en France en 1928 (cf. leurs biographies respectives sur ce blog). Il avait ensuite épousé Angéla Dumont en 1933 et divorcé six ans plus tard…

 

Ayant quitté la Guadeloupe en 1928, cela faisait donc 18 ans que François avait quitté son pays natal. Durant toutes ces années, il y avait eu quelques décès, mais aussi des mariages et des naissances dans les deux familles! Chacun garde dans ses souvenirs l’émotion de celles qui enfin retrouvaient leur fils et leur frère. Il loge chez elles pendant toute la durée de son congé. Parents, amis, voisins… que de visites!

 

Gabrielle et Ninon aux fourneaux préparaient toute ce que François voulait manger : calalou, matété, “fouyapen” (fruit à pain), crabes farcis, palourdes farcies, soupe de chaubettes, court-bouillon de poisson, boudin…

 

Le premier fils de Gabrielle, André Artaxe qui était parti au Togo et s’était, tout comme François, retrouvé bloqué dans ce pays durant la guerre est lui aussi de retour en congé en Guadeloupe. Sa femme Mireille et ses trois enfants, Gaby, Julie, et Henri sont ravis. Les fêtes de Noël sont superbes autour du traditionnel filao (sapin local). Petits et grands reçoivent de beaux cadeaux, très appréciés après des années de guerre où l’indispensable passait avant le superflu! Belle fête aussi le 31 décembre. Pour la première fois, les enfants goûtent du champagne!

 

Les deux oncles organisent des journées à la plage en variant les lieux de baignade. A l’époque, pas de voiture… Il faut donc louer un “char”. C’est ainsi qu’on appelait les camions aménagés pour le transport en commun dans l’île. Couleurs vives, carrosserie et banquettes en bois… Chauffeurs souvent originaux, comme leurs klaxons! Moteurs parfois capricieux. Parents et amis profitaient de ces sorties. Punch, matété de crabes, etc.

 

Aux congés suivants, Gabrielle, sa fille Gisèle, et Wilfrid ne sont plus là! Mais on organise toujours fêtes et sorties qui rassemblent les familles, y compris les enfants de Wilfrid avec sa deuxième épouse. On fait le tour des plages : la pointe des Châteaux où il fallait partir très tôt pour assister au lever du soleil, Malendure près de Pigeon à Bouillante pour voir le coucher du soleil, Sainte-Rose, le Moule, Sainte-Anne, le Gosier et son îlet, Capesterre… 

 

On fait aussi des parties de rivière, en particulier à Ravine chaude. Quelle aventure pour traverser le pont de cordes en mauvais état! 

 

François adore la mer, et aussi la pêche. Il loue parfois un canot à moteur sur lequel il emmène tout le monde faire un tour sur les îlets proches de Pointe-à-Pitre. On parcourt ainsi la Rivière Salée, ce bras de mer qui sépare les deux îles du “papillon” de la Guadeloupe et on découvre la mangrove grouillant de crabes, d’insectes, et d’oiseaux. Magnifique!

 

Congé terminé, François retourne en Afrique. Il est nommé à Madagascar. C’est durant le séjour de 15 mois qu’il effectue dans cette île qu’il rencontre Reine, une jeune et charmante Malgache qui devient la femme de sa vie. Il l’épouse en août 1950 à Lomé (Togo). La famille fait sa connaissance lors du congé administratif de François en 1951. Sa gentillesse est appréciée de tous. Quelques mois plus tard, le 1e janvier 1952, Reine donnera naissance à son premier enfant, Louise, qu’elle emmène à la Guadeloupe en 1953.

 

François est toujours très heureux de revenir au pays. Jacqueline étant morte en 1952 et il se montre tout particulièrement prévenant avec la jeune Monique. Il adore son neveu Lucien, le fils de son frère Etienne qui est encore fort affecté par la disparition de sa compagne Marcelle (GERVELAS). Ninon reste “solide au poste” après cette série de décès qui avaient frappé la famille (Gabrielle en 1949, Jacqueline en 1951, Marcelle…).

 

C’est à Paris, en 1955, que François revoit sa famille à qui il présente son deuxième enfant, le petit Henri, né quelques mois plus tôt, le 2 septembre 1954. Là, plus de plages, plus de cocotiers. Mais tant de choses à voir! François s’emploie à veiller sur la formation culturelle de sa nièce Monique…

 

Fin décembre 1955, François est nommé adjoint au commandant de Cercle de Sikasso au Mali. La situation dans les colonies et ex-colonies d’Afrique est “explosive”. L’empire éclate peu à peu. C’et alors que François tombe malade. Il est rapatrié à Paris en avion accompagné de sa famille. Atteint d’un cancer de l’oesophage, il est admis en urgence à l’hôpital de Villejuif. Il meurt le 26 juillet 1958, tout juste âgé de 48 ans…

Son épouse et ses deux enfants s’établissent à Paris.

 

 

A l’époque, tatie Ninon, Lucien et moi, puis ma cousine Gaby Artaxe vivons à Paris. Nous reformons une famille unie et solidaire, avec beaucoup d’affection mutuelle, chose précieuse pour affronter les aléas de la vie.

 

 

L’homme François

 Ce qui caractérise François, c’est tout d’abord son profond attachement à sa famille dont il a été séparé pendant de longues années en raison de ses études supérieures, de sa formation à l’école coloniale, de son service militaire, et par la suite de sa carrière dans différents pays d’Afrique. Sans oublier la Deuxième guerre mondiale qui l’obligea à rester bloqué en Afrique.

 

François était un homme bon, très généreux, désintéressé, altruiste. Il était heureux d’offrir des cadeaux toujours bien choisis, de créer la joie autour de lui.

 

C’était aussi un homme extrêmement cultivé, sans pédanterie, capable de transmettre très simplement une partie de son savoir quand l’occasion lui en était offerte. Il était un boulimique de lecture, sur toutes sortes de sujets! Il aimait les grands écrivains, les poètes (il connaissait par coeur ses poèmes préférés…). 

 

Il adorait la musique classique (Mozart, Bach, Haendel, Beethoven, Chopin…), les grands voix de l’opéra. Mais il était aussi amateur de jazz (Armstrong, Duke Ellington, Count Basie, Ella Fitzgerald…). Avec son frère Charles, il avait de passionnantes conversations (littérature, cinéma, musique…). Il a fait beaucoup de photos et quelques films dont la plupart a disparu. Il avait un humour fin, aimait les calembours et les contrepétries.

 

Il savait bouger ses oreilles, lever séparément chaque sourcil. Il avait un beau coup de crayon. Et belle voix de baryton. Il parlait l’Anglais couramment. Il étudiait les langues des pays où il travaillait pour mieux communiquer avec les autochtones et comprendre leurs coutumes.

 

Il aimait les plaisirs simples de la vie! C’était un humaniste du 20è siècle.

 

 

J’ai beaucoup appris de mon oncle François qui m’a personnellement fait découvrir ce qu’il aimait. Dans nos conversations, il m’avait dit un jour, alors que je n’avais pas encore étudié la philosophie, qu’il admirait Platon et sa doctrine : l’important c’est le Bien, le Beau, et le Vrai.

 

Cette biographie est certes incomplète. Mais peut-être permettra-t-elle de mieux connaître la personnalité de François… le Magnifique. 

 

Louis, Henri, et vos descendants, je pense à vous.

 

Monique, le 26 octobre 2020



09/11/2020
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