EN ROUTE VERS LE BONHEUR...

Cette lettre suit la précédente de plus d'une année. Quelle étrange missive...

Datée du 16 juin 1945, un mois après l'armistice donc, elle n'est pas localisée.

Et pour cause : on y comprend que François ne souhaite pas faire savoir d'où elle est écrite. Car s'il indique « le pays où je suis actuellement est un pays de très ancienne civilisation et possède des monuments gigantesques âgés de 40 siècles », c'est sans aucun doute pour brouiller les pistes au cas où sa lettre serait interceptée...

Aux dernières nouvelles en effet, François a quitté le Sénégal et se trouve depuis fin juin 1944 à Casablanca, au Maroc. Or, l'Egypte (?) n'est pas très voisine du Maroc...

« Je suis en route »... Où se trouve-t-il donc exactement au moment où il écrit ces lignes? A-t-il déjà quitté Casablanca? Sa vie est-elle menacée? Il annonce en tout cas son arrivée à « la Pointe » pour le mois suivant. Et il veut manger « un bon calalou »!

Autre élément troublant : son projet de se faire affecter dans « son île natale » ou dans une île voisine (« demi-mal »), immédiatement contredit par son souhait de « rester avec vous le plus longtemps possible avant de retourner à mon Afrique ».

Rappelons-nous : dans son courrier du 16 avril 1944, François demandait à son père d'intervenir en sa faveur auprès du Gouverneur pour tenter de le faire nommer en Guadeloupe. Wilfrid a bien fait la démarche (voir le billet ci-dessous)*. Il semble bien qu'il ait obtenu l'audience sollicitée (le 20 août à 8 heures)... Mais cette démarche n'a pas dû aboutir...

François a-t-il un plan qu'il ne veut (peut?) pas révéler? Que dissimule-t-il? De qui et pourquoi? Wilfrid se trompait-t-il vraiment lorsqu'il disait avoir l'impression que son fils ne mettait pas grand zèle à vouloir rentrer chez lui (cf. précédente lettre)? En tout cas, éloigné des siens depuis tant d'années, François annonce son arrivée pour très bientôt. Finirons-nous par connaître les vraies raisons de sa si longue absence, de ce si long éloignement de sa famille?

Je suis en route pour les Antilles

(*)