EN ROUTE VERS LE BONHEUR...

De toutes les lettres qui nous sont parvenues parmi celles que François a adressées à son père depuis son départ de la Guadeloupe, celle-ci est sans doute la plus émouvante et aussi la plus instructive.

Elle fait suite à un télégramme envoyé après la mort de Laurence, la soeur de son père, décédée cinq mois plus tôt, le 19 novembre 1943.

François semble très affecté par la disparition de sa tante. Ses courriers précédents nous montrent qu'il y était particulièrement attaché, ainsi qu'à Louise, sa deuxième tante.

A ce moment, François n'est toujours pas près de rentrer chez lui. D'abord parce que la guerre se poursuit, ce qui rend les déplacements difficiles pour l'officier qu'il est. Mais en second lieu, on le comprend à travers les lignes : il n'est pas en odeur de sainteté auprès de ses supérieurs. Ses opinions ont sans doute joué contre lui et, dans sa situation, quitter l'Afrique paraît très problématique.

La mutation d'office de François au Sénégal est bel et bien une sanction. Et il peut s'estimer heureux : comme bien d'autres partisans du Général de Gaulle qui n'avaient pas caché leurs préférences, il aurait pu à son tour être victime de « l'épuration » et disparaître du jour au lendemain. « J'ai eu le tort d'être trop franc et trop naïf, et je le regrette amèrement, avoue-t-il... ». Lourde ambiance...

Le piège semble bien s'être refermé sur lui pour longtemps encore. Aussi, en désespoir de cause il demande à son père d'intervenir en sa faveur auprès du Gouverneur pour tenter d'obtenir sa nomination à la Guadeloupe. Wilfrid fera-t-il cette démarche? Que donnera-t-elle? On l'ignore. Mais ce que l'on sait c'est que François n'obtiendra pas de mutation pour la Guadeloupe et qu'il devra rester en Afrique.

A noter qu'une phrase entière de cette lettre a volontairement été biffée, soit pas François lui-même, soit par les autorités ayant lu le courrier et ayant rayé, avant qu'il ne parte, une phrase jugée trop subversive...

Rufisque, 16 avril 1944